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Vendredi 25 février 1966

 

Dans une semaine, cela ferait trente jours que Faith Khouri avait été enlevée, et personne, Carmine compris, n’avait de raison de croire qu’ils auraient de meilleures chances d’empêcher un nouveau meurtre que quatre mois plus tôt, quand l’affaire avait commencé. Il ne se souvenait pas d’une enquête ayant duré aussi longtemps, avec autant de moyens matériels et humains, autant de précautions, de mises en garde et de publicité dans tout l’État.

En gros, la procédure resterait la même : chaque suspect serait soumis à une surveillance continue, du lundi 28 février au vendredi 4 mars. Tout avait été soigneusement mis en place, et les déplorables conditions de sécurité régnant à Marsh Manor seraient ainsi compensées par la présence de quatre équipes de la police de Bridgeport. À

moins qu’il ne s’en prenne à une adolescente de cette ville, le Prof, si c’était lui le meurtrier, devrait traverser la rivière Housatonic à la nage s’il se dirigeait vers l’est, ou échapper à six barrages routiers s’il prenait la direction opposée. Car c’était là la grande différence avec l’organisation du mois précédent : policiers en uniforme et véhicules de police viendraient s’ajouter à leurs collègues en civil et aux voitures banalisées. Il y aurait vraiment des barrages partout. Si d’aventure les Fantômes étaient arrêtés par l’un d’entre eux avant qu’ils aient pu enlever leur victime, tant pis. Tout suspect repéré à cette occasion aurait droit à une grosse croix rouge sur sa fiche et à une surveillance accrue. Et si l’opération ne donnait rien, on recommencerait le mois prochain, avec d’autres méthodes et de nouveaux suspects.

Carmine lui-même avait décidé de ne pas prendre part à la surveillance, préférant rester en contact radio avec tout le monde, devant une immense carte du Connecticut épinglée au mur. Les Fantômes ayant frappé deux fois de suite à l’est de l’État, il paraissait plausible que, cette fois, ils agiraient au nord, à l’ouest ou au sud-ouest.

Les polices du Massachusetts, de l’État de New York et du Rhode Island avaient accepté de lancer le long des frontières du Connecticut des patrouilles plus nombreuses que les mouches sur une charogne. Le filet était vraiment gigantesque, avec des mailles très fines.

 

Ayant plus envie d’une soirée avec Desdemona que de travailler sur une affaire qui durait depuis trop longtemps, Carmine, en fin d’après-midi, ramena les dossiers de l’affaire Ponsonby aux archives de Caterby Street.

— Avez-vous encore les effets personnels relatifs à cette affaire de 1930 ? demanda-t-il à la fille qui préparait sa thèse, apparemment seule dans les locaux.

— Ce que nous possédons remonte à la guerre d’indépendance, répliqua-t-elle, sarcastique, sans faire de remarque sur le fait qu’il avait sorti les dossiers du bâtiment.

Carmine lui agita sous le nez ceux des deux victimes anonymes.

— Parfait. Alors, je voudrais voir les effets personnels de ces personnes.

Elle bâilla, examina ses ongles, regarda la pendule et lâcha :

— Lieutenant, j’ai peur que vous n’arriviez trop tard. Il est 17 heures, les archives sont fermées. Revenez demain.

— Très bien, répondit-il d’un ton affable. Alors, vous voudrez bien avoir la bonté de dire à votre collègue de livrer, dès demain matin, la boîte contenant les effets personnels en question au lieutenant Carmine Delmonico, bâtiment des services administratifs du comté. Et si je ne l’ai pas en temps voulu, ma nièce Gina sera ravie de prendre votre place. Elle cherche un boulot administratif tranquille lui permettant d’étudier pour passer le concours d’entrée du FBI.

C’est très difficile pour une femme.